Le cauchemar vécu par les dizaines de victimes des affaires dites “French Bukkake” et “Jacquie et Michel” n’a pas pris fin avec la mise en examen de certains des violeurs et des proxénètes. Les vidéos de ces viols commis dans le cadre de l’industrie pornographique française circulent encore sur Internet, entraînant une revictimisation sans fin de ces femmes. L’Etat français a le devoir, et le pouvoir, d’y mettre fin, mais s’abstient, préservant ainsi de facto les intérêts de l’industrie pornocriminelle. Le géant Google est lui aussi en capacité d’endiguer cette violence inouïe, mais ne le fait pas. Pire, il réalise du trafic conséquent sur la diffusion de ces images de viols et de haine misogyne et raciste. C’est l’objet d’une décision de justice qui sera rendue le 24 octobre par le tribunal judiciaire de Paris.

Craindre à chaque instant d’être reconnues dans la rue ou au travail par des hommes qui ont visionné les vidéos dans lesquelles elles sont violées. Perdre leur emploi, subir des allusions, des insultes et même des agressions physiques… Voilà le calvaire que vivent depuis plusieurs années les plaignantes des affaires dites “French Bukkake” et “Jacquie et Michel”, qui ont été victimes de viols et d’actes de torture dans le cadre de l’industrie pornocriminelle. Comment espérer se reconstruire lorsque les crimes que l’on a subis circulent massivement et sont utilisés par des hommes comme support masturbatoire ?

Face à cette violence inouïe et continue, il n’y a évidemment rien à attendre des plateformes pornographiques, dont le fonds de commerce repose précisément sur la diffusion de vidéos violentes. Faire droit aux demandes de retrait des vidéos reviendrait à reconnaître le caractère criminel de leur industrie.

La passivité de la justice est en revanche inqualifiable. Quatre ans après le début de l’enquête de l’affaire “French Bukkake”, le parquet n’a toujours pas saisi Pharos pour exiger l’effacement des centaines de vidéos de viols en ligne. Ce faisant, les autorités françaises piétinent leur obligation de protection de la vie privée des parties civiles, à laquelle la Convention européenne des Droits de l’Homme les astreint pourtant.

En attendant, il reste une solution pour les victimes livrées à elles-mêmes : obtenir le déréférencement de ces vidéos par Google . Les vidéos restent alors en ligne, mais, au moins, leur visibilité est réduite. Mais là encore, c’est un parcours de la combattante. La réponse du géant de la tech est complètement aléatoire : certaines demandes sont refusées sans justification, d’autres sont acceptées, mais des duplicatas des vidéos concernées (mêmes titres, mêmes contenus) surgissent aussitôt. Un supplice sisyphéen pour les plaignantes, qui doivent de surcroît joindre à leur demande une capture d’écran de la vidéo, les obligeant à se confronter visuellement aux viols qu’elles ont subis !

Une des plaignantes a courageusement saisi la justice pour qu’elle exige de Google un déréférencement effectif des vidéos et de leurs duplicatas. A l’heure de l’intelligence artificielle et des milliards investis par Google pour mettre au point des outils technologiques impressionnants, l’entreprise serait incapable de déréférencer efficacement des vidéos de crimes sexuels ainsi que l’ensemble de leurs duplicatas ? Difficile à croire.

Le 24 octobre, le tribunal judiciaire de Paris rendra son délibéré à l’égard de Google. Nous, associations féministes, partis politiques et syndicats, rappelons que les autorités judiciaires doivent s’assurer de l’effacement définitif de toutes les vidéos de viols des plaignantes, et que Google doit prendre ses responsabilités, cesser de s’enrichir indirectement sur le recel d’images de viols, et mettre en oeuvre un déréférencement immédiat et pérenne de ces contenus.

Mardi 22 octobre 2024

Organisations et personnalités signataires (en pj)