Qu’elles soient générales ou dédiées à l’égalité entre les hommes et les femmes, les politiques publiques délaissent les femmes des classes populaires et contribuent à un féminisme élitiste.
Depuis les années 1980-1990, les discours des responsables politiques et les textes de loi affirment la nécessité d’intégrer l’égalité femmes-hommes dans toutes les politiques.
Néanmoins, la plupart des politiques publiques, lorsqu’elles ne s’adressent pas directement aux femmes, considèrent qu’elles seraient « neutres » du point de vue du genre et ne font pas référence aux effets qu’elles ont sur l’égalité entre les hommes et les femmes. Or, que l’on s’intéresse aux politiques publiques en matière de droit du travail en général ou aux politiques d’égalité professionnelle en particulier, toutes ont des effets sur le genre, y compris lorsqu’elles ne visent pas explicitement les femmes et les hommes [Revillard, 2007].
Face à ce constat, une évaluation des effets de ces politiques sur l’égalité a été prévue par la circulaire du 23 août 2012. Si l’effort d’évaluation est acté sur le papier, peu de dispositifs ont réellement été examinés. Le bilan partiel que nous proposons dans cet article n’est guère convaincant : soit ces politiques ne s’intéressent pas au genre et ont le plus souvent des effets indirects négatifs ; soit elles ont eu l’ambition de porter l’égalité femmes-hommes sans en faire leur cœur de cible, mais avec des résultats plus que décevants. Quant aux politiques d’égalité professionnelle et salariale, qui, elles, ont explicitement pour but de favoriser la place des femmes, notre propos n’est pas d’en présenter ici le contenu, tant il est étendu et complexe à analyser [Laufer, 2014], mais de tenter de mesurer l’impact de certains textes de lois.
Certes, depuis la loi Roudy du 13juillet 1983, de nombreux textes visent l’égalité au travail qui s’est progressivement invitée en entreprises et dans la fonction publique, ne serait-ce par la négociation. Mais ces lois sont peu effectives et « l’égalité réelle », objectif affiché par la loi de 2014, reste encore à construire, peut-être justement parce que la loi laisse le champ libre à la négociation [Laufer et Silvera, 2017 ; Laufer, 2018]. Les avancées qui existent sont loin d’être étendues à toutes les femmes. En détournant une expression devenue célèbre, nous montrerons que ce sont surtout les « premières de cordées » qui bénéficient de ces mesures, laissant sur le bord de la route les « premières de corvées».
Dans le cadre de cet article, nous illustrerons notre propos en analysant quelques lois des années 2010 qui touchent directement ou indirectement les entreprises et la négociation de l’égalité professionnelle, sans prétendre à l’exhaustivité. Nous mobiliserons pour cela des contributions que nous avons réalisées dans le cadre du Conseil supérieur à l’égalité professionnelle en tant que « personnalité qualifiée » (voir encadré à la fin de l’article).
Alternatives Economiques 13/11/2020 10’29 – Rachel Silvera
https://www.alternatives-economiques.fr/politiques-publiques-service-premieres-de-cordee/00094387 Page 2 sur 15
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