Menaces sur la loi du 13 avril 2016. Texte collectif Publié le Vendredi 23 Novembre 2018 dans l’Humanité

Faisons échec à l’attaque menée par Médecins du monde et les lobbies du « travail du sexe », dont le Strass (Syndicat du travail du sexe), contre la loi en faveur de l’abolition de la prostitution, ces derniers ayant saisi le Conseil constitutionnel au motif que l’infraction qui interdit l’achat du corps d’autrui (prévue par la loi d’avril 2016) est contraire à la liberté de commerce et d’industrie !
Violence sexuelle extrême, à l’intersection de toutes les dominations : des riches sur les pauvres, des hommes sur les femmes, des Blancs sur les « racis.é.e.s », des colons sur les colonisé.e.s… la prostitution est dès lors certainement la violence la plus totale qu’un système puisse produire.


Rappelons les faits :

  • Les victimes ont toutes en commun – qu’elles soient françaises ou étrangères, femmes, hommes ou transgenres – une enfance d’extrême violence empreinte d’abus, d’inceste ou d’abandon. Cette problématique questionne donc le rapport de domination, voire d’exploitation, de l’adulte sur l’enfant.
  • Les victimes sont majoritairement des femmes et des enfants (90 %), il s’agit donc bien d’une oppression physique et symbolique des hommes sur les femmes.
  • Les victimes sont très massivement étrangères et issues de minorités (90 %). Elles viennent des pays dits du « Sud » (Nigeria, Chine, Pérou, Équateur, Roumanie), dans lesquels le tissu social est laminé par la dette, les guerres, la corruption, le colonialisme et dans lesquels les individus se voient exproprier, en plus du reste, de leur possibilité d’aimer leurs enfants et se trouvent à les « sacrifier » sur le « marché de l’être humain ».
    Disons-le clairement : la prostitution ne peut être un travail car le travail ne saurait être l’exploitation de l’entièreté d’une personne, de son intimité et sa réduction à l’état d’objet de désir. Rappelons-le, l’espérance de vie dans la prostitution est de 43 ans, et l’âge moyen d’entrée est de 14 ans.
    Le « viol sous contrainte économique » que sous-tend la prostitution peut être revendiqué comme un choix individuel mais ne peut être considéré comme une liberté de l’individu.
    Il ne peut y avoir de liberté ou de consentement à renoncer à ses droits fondamentaux, objectifs et universels, car ils sont inhérents à notre humanité.
    Si les personnes victimes de prostitution sont les personnes les plus vulnérables et marginalisées, la prostitution n’est pas une problématique marginale.
    Bien au contraire, elle nous concerne toutes et tous. C’est une épée de Damoclès qui plane au-dessus de nos têtes… Car le projet capitaliste n’est-il pas tout bonnement d’exploiter toujours davantage et toujours plus de personnes ?
    Ne demande-t-on pas aux salarié.e.s de donner de plus en plus de leur intimité à l’entreprise, au capital ? Leur vie privée, leur santé, leur disponibilité mentale et leur collaboration toujours plus importante à leur propre domination… et avec le sourire et l’enthousiasme feint.
    Ne veut-on pas faire de la prostitution un « travail du sexe », travail comme un autre… mais bien sûr réservé aux plus vulnérables. Ne soyons pas dupes : accepter de voir en la prostitution un travail, ce serait alors renoncer automatiquement à toutes les règles minimales de protection des travailleuses et travailleurs. Plus de droit à l’intime, plus de limites au désir du patron, plus de protection contre le harcèlement et les agressions sexuels dans l’entreprise…
    Ce qui est « admissible » pour une personne doit l’être automatiquement pour toutes les autres. Le travail ne doit pas détruire. Certes, ce n’est souvent pas le cas, mais nos luttes depuis des siècles ont fixé progressivement des limites aux dominants… ils ne peuvent pas, en théorie, « tout » nous prendre.
    Ainsi, la loi du 13 avril 2016 renforçant la lutte contre le système prostituteur, qui affirme que la prostitution en tant que telle est une violence extrême, une domination et corrélativement pas un travail, est précisément l’une d’entre elles. Cette limite transcende le cadre employeur-salarié.e et s’applique de manière absolue entre tous les êtres.
    La loi repose sur quatre piliers : la répression plus forte des proxénètes, l’amélioration de la prise en charge des personnes prostituées, la responsabilisation des clients par la pénalisation, la prévention en direction de toute la société et notamment des jeunes.
    Elle est une victoire historique pour toutes celles et tous ceux qui militent pour un monde respectueux de l’humain et de ses droits fondamentaux ! Les syndicats de lutte et les partis politiques progressistes ont majoritairement soutenu cette loi, mais peut-être pas mesuré toute sa portée symbolique !
    Cette loi est aussi un conquis social et une victoire sans précédent contre le système capita- liste. Et pourtant elle est passée inaperçue…
    Oui, ce sont les femmes les plus pauvres et les plus isolées qui sont en première ligne de cette guerre que le capitalisme mène contre notre humanité. Mais ne soyez pas dupes, nous sommes en seconde ligne !
    Ne laissons pas les associations féministes qui l’ont portée en être les seules gardiennes.
  • Texte collectif
    Signataires : Thierry Achaintre, secrétaire général Capgemini ; Romain Altmann, secrétaire général du syndicat Infocom CGT ; Anthony Caillé, secrétaire général de la CGT police ; Camille Lainé, secrétaire générale du Mouvement jeunes communistes de France (MJCF) ; Pierre Laurent, secrétaire national du Parti communiste français (PCF) ; Benoît Martin, secrétaire général de l’UD-CGT Paris ; Jean-Pierre Mercier, délégué syndical central CGT du groupe PSA Peugeot-Citroën ; Sabine Reynosa, secrétaire fédérale de la fédération CGT des sociétés d’études ; Céline Verzelletti, secrétaire confédérale de la CGT