Lors de son interview dans l’émission C à vous du 20 décembre 2023, le président Macron a dénoncé la chasse à l’homme dont est victime Gérard Depardieu depuis la diffusion du reportage de Complément d’enquête.
Rappelons que Gérard Depardieu est visé par plusieurs plaintes pour viol et agressions sexuelles et que plusieurs autres témoignages attestent de violences sexistes et sexuelles depuis des décennies notamment sur les lieux de tournage.
Rajoutons que les propos de Gérard Depardieu dans le reportage sont non-équivoques et choquants, sexualisant notamment une petite fille de 10 ans qui fait de l’équitation.
Le soutien affiché du président de la République est extrêmement grave et envoie un message aux victimes clairement inquiétant. Ce message renvoie à leur dire que leur parole et leurs témoignages sont des chasses à l’homme et donc qu’elles devraient se taire.
Ceci est inacceptable et ne peut être toléré. Il y a bientôt 10 ans, la France a ratifié la convention d’Istanbul qui établit un cadre général pour lutter contre les violences à l’égard des femmes et les violences domestiques. Il y a quelques mois, la France a également ratifié la convention 190 de l’OIT pour éliminer la violence et le harcèlement dans le monde du travail. Ces conventions de progrès ont été ratifiées grâce au travail sans relâche de la CGT notamment.
Le président de la République, premier représentant de l’État, est garant du respect de ces conventions. Et ne peut se targuer de faire de la cause des femmes « la grande cause du quinquennat » en rementant en doute leur parole.
Les violences sexistes et sexuelles sont encore massives dans le monde du travail. Et le monde du spectacle n’en fait pas exception notamment dans le spectacle vivant et sur les lieux de tournage. Comment, dès lors, interpréter la tribune parue dans le Figaro moins d’une semaine après les propos du Président si ce n’est comme la conséquence prévisible et déplorable de son inconséquence !
Plus globalement, 80% des femmes disent être victimes de sexisme au travail, 30% de harcèlement sexuel au travail, 10 viols ou tentatives de viol ont lieu chaque jour, en France, sur un lieu de travail. 70% des victimes disent ne pas en avoir parlé à leur supérieur. Quand elles l’ont fait, 40% d’entre elles estiment que le règlement leur a été défavorable (elles ont été mutées, placardisées, voire licenciées). Alors même que l’employeur est garant de la santé et de la sécurité de tou.tes ses salarié.es.
Pour cela, il faut :
- la mise en place de sanctions pour toutes les entreprises et établissements qui n’ont pas de plan de prévention des violences sexistes et sexuelles et de dispositifs de signalement négocié ;
- des droits pour protéger les victimes de violences conjugales : abrogation des jours de carence en cas d’arrêt maladie, interdiction de licenciement, droit à absences rémunérées pour effectuer les démarches, droit à la mobilité géographique et fonctionnelle ;
- l’obligation de formation des personnels des ressources humaines, personnels encadrants, élu·es dans les instances représentatives du personnel (comité sociaux…) ;
- des moyens pour que les référent·es harcèlement/violence et les élues VDHA (violence, discrimination, harcèlement, agissement sexiste) puissent jouer leur rôle syndical : prérogatives clairement définies, temps de délégation, formations… ;
- l’obligation annuelle d’une sensibilisation sur les violences sexistes et sexuelles auprès de l’ensemble des salarié·es sur leur temps et lieu de travail ;
- l’obligation de mise en place de dispositifs de prévention spécifiques pour les travailleuses et travailleurs les plus vulnérables et notamment les jeunes, les précaires, les personnes LGBTI+, les travailleuses de nuit ou en milieu non mixte… ;
- des droits pour que les victimes de violences sexistes et sexuelles travaillant dans des entreprises sans représentant·e du personnel puissent être défendues et accompagnées par un syndicat face à leur employeur ;
- un accès aux soins garanti, avec le remboursement à 100 % des consultations en psycho-traumatologie pour les victimes.
Les propos du président de la République vont à l’encontre de la libéralisation de la parole des victimes et sont dangereux.
Monsieur Macron voulait s’inscrire dans l’Histoire. Nous retiendrons de sa gouvernance la protection des plus forts et des plus riches, le sexisme et, depuis la loi immigration, du racisme et de la xénophobie assumés par l’application de la préférence nationale.