À la suite de l’appel unitaire d’une soixantaine d’associations féministes et de syndicats (CGT, FSU, Union syndicale Solidaires), une nouvelle mobilisation aura lieu partout en France le 25 novembre 2023 contre les violences faites aux femmes. Parmi les signataires figurent notamment le Collectif national pour les droits des femmes, la Fondation des femmes, Femmes Solidaires, Osez Le Féminisme ou encore Attac France1.
Le contexte est particulièrement difficile sur le plan international, où les femmes sont les premières victimes, avec les enfants, des conflits armés. Cet appel égrène ainsi ces nombreux conflits :
« Nous manifestons particulièrement notre soutien aux femmes d’Ukraine, de Birmanie, de Palestine, d’Israël, du Haut Karabakh. Nous clamons haut et fort notre solidarité avec nos sœurs afghanes maintenues sous le joug d’une oppression effroyable où même aller à l’école devient un acte héroïque. Nous réaffirmons notre sororité avec les femmes iraniennes et kurdes en révolte pour leur liberté. Femme, Vie, Liberté. Nous apportons notre soutien aux femmes ouïghoures, persécutées, victimes de politique génocidaire. »
Les violences sexistes et sexuelles surviennent partout et tout le temps, nous dit aussi cet appel. Aucun espace privé ou public n’y échappe, aucun milieu social. Il rappelle aussi que ces violences touchent tout particulièrement les femmes victimes d’autres discriminations : celles qui subissent le racisme, les femmes migrantes, sans papiers, les femmes précarisées, en situation de handicap, les femmes trans, bi ou lesbiennes, les femmes en situation de prostitution, et celles victimes de l’industrie pornocriminelle.
Un bilan toujours aussi dramatique
Depuis # Metoo, une réelle prise de conscience a eu lieu, des témoignages affluent et plus de 3 millions de femmes déclarent des violences sexistes et sexuelles chaque année. Mais on est encore loin du compte, puisqu’on ne recense que 200 000 signalements, plaintes ou interventions auprès des forces de l’ordre.
Les chiffres sont toujours aussi désastreux : depuis 2017, date de la première mandature d’Emmanuel Macron, on dénombre 848 féminicides commis par un conjoint ou un ex-conjoint, 213 000 femmes victimes chaque année de violences dans le couple, 94 000 viols ou tentatives de viols par an, une femme sur cinq en situation de handicap victime de viol, 50 % des lesbiennes et 75 % des bi confrontées à de la violence dans l’espace public, 85 % des trans ayant subi un acte transphobe.
L’appel souligne également le sort des demandeuses d’asile, exposées aux réseaux de prostitution, de proxénétisme et de traite des êtres humains qui seront à pied d’œuvre pour les Jeux olympiques et paralympiques de 2024. Le projet de loi « Asile et immigration » risque d’aggraver encore leur situation, comme celle de toutes les femmes sans papiers.
Sur les lieux de travail, plus de 8 000 viols ou tentatives de viols ont lieu chaque année, et un tiers des femmes disent subir du harcèlement sexuel. 70 % de ces victimes de violences au travail déclarent n’en avoir jamais parlé à leur employeur. Pour celles qui parlent, c’est souvent la double peine : 40 % estiment que la situation s’est réglée en leur défaveur, par une mobilité forcée voire un licenciement.
Un communiqué de presse intersyndical daté du 15 novembre, signé par les principales centrales syndicales (CFDT, CGT, FO, UNSA, Solidaires et FSU), revendique de nouvelles mesures pour renforcer la protection des victimes, y compris de violences conjugales, en entreprise. Il dénonce le fait que la France a ratifié la convention 190 de l’Organisation internationale du travail (OIT) contre la violence et le harcèlement dans le monde du travail, mais gère le problème à moyens constants.
Nos voisins européens, eux, vont beaucoup plus loin. En Espagne, les victimes de violences intrafamiliales ont le droit à la mobilité géographique et au changement de lieu de travail, à l’accès à la retraite anticipée. En Irlande, le gouvernement a approuvé début septembre une loi proposant cinq jours de congés payés aux victimes de violences domestiques dans le prolongement de la ratification de la Convention 190 de l’OIT.
En France, ces syndicats réclament de nouvelles mesures concrètes comme des sanctions pour les employeurs qui n’ont pas de plan de prévention, des nouveaux droits pour protéger les victimes de violences conjugales (droit à absence rémunérée, interdiction de licenciement, droit à mobilité…), l’obligation de la formation des équipes RH et des représentant·es du personnel ainsi que de nouveaux moyens pour les référent·es harcèlement/ violences, etc.
Où est l’argent contre les violences faites aux femmes ?
C’est le cri que pousse la Fondation des femmes, en évaluant les véritables besoins financiers pour répondre à ces violences multiples et en démontrant à quel point le gouvernement est surtout dans l’affichage : « la grande ambition affichée persiste ainsi à accoucher d’une souris budgétaire ». Ce qu’un rapport de la Cour des comptes avait d’ailleurs déjà identifié.
Pour ce qui est des violences conjugales, il y a eu certes une augmentation du budget (près de 45 millions de plus depuis 2018), mais elle masque en réalité une baisse des dépenses par victime de 1 310 à 967 euros. Ceci s’explique par la hausse du nombre de victimes de violences conjugales, qui a quasiment doublé, et par des besoins en termes de dispositifs de sortie (accueil, orientation accompagnement, mais aussi bien sûr hébergements spécialisés).
De même, la Fondation des femmes dénonce les montants dérisoires dédiés aux autres violences sexuelles (hors du couple), comme les viols, la prostitution, ou les violences au travail : l’Etat y consacre 12,7 millions d’euros, alors que la Fondation des femmes estime qu’il faudrait a minima 344 millions pour couvrir les besoins des centres d’aides d’urgence, en grande difficulté pour faire face à cette affluence, pour les cellules de signalement du harcèlement sexuel ou pour la prise en charge du psychotraumatisme.
Au total, l’Etat aura dépensé 184,4 millions d’euros en 2023 pour lutter contre toutes les violences faites aux femmes (soit 0,04 % du budget), alors que les besoins estimés par la Fondation des femmes sont entre 2,6 milliards (hypothèse basse, correspondant aux cas enregistrés par les services de sécurité) et 5,4 milliards (hypothèse haute correspondant aux faits déclarés par les femmes lors d’enquêtes), soit entre 0,5 et 1 % du budget général de l’Etat.
C’est pourquoi cet appel exige 3 milliards d’euros pour combattre efficacement ces violences.