Dans un contexte où l’égalité homme-femme progresse et où la spécialisation des rôles au sein des jeunes couples s’atténue, la prise du congé paternité par les jeunes pères demeure étonnamment stable depuis 20 ans : près d’un jeune père sur trois n’y recourt toujours pas. Alors que la durée de ce congé vient d’être doublée en juillet 2021, ce nouveau Céreq Bref identifie grâce à l’enquête Génération, les freins jusqu’ici à l’œuvre. Positionnement sur le marché du travail et rémunération
sont au cœur de l’analyse d’Alix SPONTON, jeune chercheuse à l’OSC – Sciences Po et à l’INED.
1 – La place sur le marché du travail comme premier frein
• Alors que près de 90 % des jeunes pères salariés en CDI recourent au moins partiellement au congé de paternité, seuls 65 % des CDD et 33 % des indépendants l’utilisent.
• Les pères ayant moins d’un an d’ancienneté dans l’entreprise ont 3 fois moins de chances de recourir au congé de paternité que ceux étant présents depuis 2 ans ou plus.
• Seul 1 chômeur indemnisé sur 4 utilise tout ou partie du congé paternité, bien que la législation permette de reporter la fin de l’indemnisation.
2 – Un recours plus faible chez les bas revenus… tout comme chez les très hauts revenus
• Des écarts s’observent selon la taille des entreprises avec un taux de recours de 88 % dans les entreprises de plus de 200 salariés contre 79 % pour celles de moins de 50 salariés.
• Ils s’observent aussi modérément entre catégories socioprofessionnelles : un recours au dispositif moindre pour les ouvriers (77 %) et professions intermédiaires (79 %) que pour les cadres (83 %) et les employés (87 %).
• C’est le facteur revenu qui engendre les écarts les plus importants dans le recours ou non au congé paternité et cela aux deux extrémités de l’échelle :
o ainsi le recours est au plus bas (67 %) pour les 20 % des pères les plus modestes,
o il atteint un pic (98 %) pour ceux dont le revenu est compris entre 2 500 € et 2 900 €
o et chute à 73 % pour les 10 % les mieux rémunérés.
3 – Un partage des tâches domestiques différent pour ceux qui y recourent
• Dans les couples où la conjointe est la plus diplômée, on observe que le conjoint a deux fois plus de chances de prendre un congé paternité que lorsqu’elle est moins ou aussi diplômée que lui.
• Que le congé paternité soit pris ou non, aucune différence ne s’observe sur la répartition des tâches au sein du domicile (ménage et préparation des repas).
• Par contre, pour les tâches se déroulant à l’extérieur du foyer (faire les courses et aller chercher les enfants), l’auteure mesure un investissement plus important du père ayant recourt au congé paternité.
Méconnaissance du droit, perception d’inéligibilité ou indemnisation inférieure aux revenus habituels… Alix SPONTON analyse les obstacles possibles à ce non-recours. La littérature internationale indique que les congés de paternité les plus propices à favoriser l’investissement des hommes dans les tâches domestiques sont ceux rémunérés, de plusieurs mois et utilisés en partie en dehors du congé de la mère. En doublant sa durée, la réforme française donne désormais la possibilité aux hommes de s’arrêter un mois. Ce changement, bien qu’encore loin des niveaux d’autres pays européens tels que l’Espagne, l’Allemagne ou encore la Finlande, permettra-t-il à l’égalité homme-femme de continuer de progresser ?