La Commission européenne, le Conseil de l’Union européenne et le Parlement européen se sont accordés sur une version de la directive sur les violences faites aux femmes, le 6 février dernier. Ce texte vise à harmoniser le droit dans les pays membres en matière de lutte contre les violences faites aux femmes. La nouvelle directive comprend des mesures visant à prévenir le viol, des règles plus strictes en matière de cyberviolence et un meilleur soutien aux victimes.
La nouvelle législation comprend également :
– une liste plus longue de circonstances aggravantes pour les infractions, y compris les crimes commis contre une personnalité publique, un journaliste ou un défenseur des droits humains, l’intention de punir les victimes pour leur orientation sexuelle, leur genre, leur couleur de peau, leur religion, leur origine sociale ou leurs convictions politiques, et l’intention de préserver ou de restaurer « l’honneur »,
– des règles contre les mutilations génitales féminines et les mariages forcés, – des règles spécifiques pour les infractions en ligne, y compris la diffusion de matériel intime et le cyberflashing,
– des procédures améliorées pour la sécurité et la santé des victimes, en tenant compte de la discrimination intersectionnelle et de l’accès aux soins de santé, y compris les services de santé sexuelle et génésique,
– une amélioration des rapports et de la collecte de preuves par les autorités,
– la Commission devra produire un rapport tous les cinq ans sur l’opportunité de réviser les règles. Les nouvelles règles entreront en vigueur vingt jours après leur publication au Journal officiel de l’UE, et les États membres disposent de trois ans pour mettre en œuvre les dispositions.
Ainsi, un accord a été trouvé, certes, mais en amputant le texte de sa mesure la plus controversée : une définition communautaire du viol. En effet, la directive européenne sur les violences faites aux femmes a fait l’objet de vifs débats autour de son article 5 qui proposait une définition commune du « crime de viol » caractérisé dès lors que la victime n’a « pas consenti à l’acte sexuel ». L’absence d’adoption de cet article a fait prendre à ce texte une direction particulièrement inquiétante quant à la réelle volonté de certains gouvernements d’apporter une réelle protection aux victimes de viol.
Malgré nos interpellations et celles de la Confédération Européenne des Syndicats, la France, l’Allemagne et les Pays-Bas, mais aussi la Hongrie, la République tchèque et la Slovaquie, ont exprimé leur opposition à l’encontre de cet article, et ce, sur des motifs fallacieux. En effet, de nombreux pays de l’Union européenne, à l’instar de la France, ne définissent le viol qu’à travers la menace, la contrainte ou la surprise. A aucun moment, il n’est fait état de l’absence de consentement de la victime. C’est ce que cet article 5 visait à réparer. Outre le parcours de combattante que doivent éprouver les victimes de viol d’un point de vue procédural, prouver la qualification de viol est particulièrement compliqué puisqu’il est nécessaire d’apporter des éléments attestant d’une menace, d’une contrainte ou d’une surprise. Ainsi, alors que la violence et l’absence de consentement peuvent être établis lors de procédures judiciaires, le viol ne sera pas pour autant retenu, et la victime ne sera pas reconnue en tant que telle. De fait seulement 1 % des viols aboutissent à une condamnation de l’auteur. Dans le monde du travail, cela représente 10 viols ou tentatives de viol par jour.
Cette vision patriarcale scandaleuse et révoltante perdure pourtant, et le gouvernement français n’engage aucune mesure pour que cela change, bien au contraire, comme vient de le prouver cet épisode ! Une fois encore, le pays des droits de l’homme ne s’affiche pas en pays des droits des femmes.
Cette question de l’absence de consentement caractérisant le viol est pourtant présente dans la convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, appelée communément convention d’Istanbul, à son article 36, intitulé « violences sexuelles », y compris le viol » : « Le consentement doit être donné volontairement comme résultat de la volonté libre de la personne considérée dans le contexte des circonstances environnantes. »
La CGT milite activement pour que les actes sexuels subis sans consentement volontaire soient reconnus comme des viols. Les pays ayant intégré la notion d’absence de consentement dans la définition du viol voient le pourcentage de reconnaissance de ce crime largement augmenté. En Suède, il est fait état de 70 % de condamnations supplémentaires, permettant ainsi de protéger effectivement les victimes de viols. L’adoption de cette définition aurait permis une réelle avancée pour la protection des victimes de viols et particulièrement pour les femmes. Le choix pris par l’Europe et par la France est grave.
La CGT appelle à rester plus que jamais mobilisé∙es et solidaires et à faire du 8 mars une grève féministe massive pour gagner l’égalité entre les femmes et les hommes au travail et dans la vie.
Le 20 février 2024