Une bonne partie de la nuit de mardi à mercredi a été consacrée à la discussion de l’article 10 du projet de convention.
Le texte initialement proposé par le bureau comportait une liste détaillée de groupes vulnérables, plus exposés que d’autres aux situations de violences et de harcèlement sur le lieu de travail. Cette liste citait explicitement ces groupes, dans l’optique de renforcer leur protection, ce qu’aucun texte international ne fait à l’heure actuelle. Très peu de pays atteignent d’ailleurs ce niveau de précision dans leurs législations nationales. Le texte originel comportait ainsi un devoir de légiférer pour protéger les groupes suivants des violences et du harcèlement dont ils peuvent être victimes, dans le monde du travail : « les jeunes travailleurs et les travailleurs âgés, les travailleuses enceintes ou allaitantes et les travailleurs ayant des responsabilités familiales ; les travailleurs en situation de handicap ; les travailleurs vivant avec le VIH ; les travailleurs migrants ; les travailleurs issus des peuples autochtones et tribaux ; les travailleurs qui sont membres d’une minorité ethnique ou religieuse ; les travailleurs soumis à un système de castes ; les travailleurs et travailleuses lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres ou intersexués ou qui ne se conforment pas à leur assignation de genre ». Cette rédaction était soutenue par le groupe des travailleurs et travailleuses, favorables à une approche inclusive intégrant toutes les discriminations.
Notons que la France et l’Union Européenne, très en faveur de cette liste détaillée, ont soutenu jusqu’au bout l’option du texte initial.
Comme on pouvait s’y attendre, cette longue liste a cependant essuyé deux formes de critiques, principalement de la part des gouvernements : d’abord, celles qui craignaient que les groupes vulnérables non cités se trouvent exclus de la couverture de la convention. Ensuite, celles des pays les moins ouverts à l’extension des droits pour ces groupes cibles, qui ne supportaient pas ce niveau de détail. La palme revient au représentant du gouvernement japonais qui, dans son intervention, a justifié son intention de supprimer la mention des LGBTI au motif que … « ce groupe n’existe presque pas » au pays du soleil levant !
Le Brésil, à la recherche d’un compromis, a d’abord proposé une liste réduite aux cas habituellement cités dans les législations anti-discriminations de l’UE ou de ses pays membres (genre, âge, handicap, religion, ethnie et « diversité »), mais dans laquelle ne figuraient ni l’orientation sexuelle, ni l’opinion politique.
Cuba, soutenu par l’Argentine et la République dominicaine, a alors proposé une dénomination large, inclusive et généraliste qui ne rentre plus dans le détail de ces groupes, se contentant de citer l’attention particulière que la convention doit accorder aux groupes vulnérables ou en situation de vulnérabilité.
C’est finalement cette option qui l’a emporté. Sans citer personne, elle permet dans le même temps de n’exclure aucun groupe. Dans un tel contexte d’imprécision, il reviendra aux organes de contrôle de l’application des normes de déterminer quels sont les groupes vulnérables dont parle la convention. L’année prochaine, il nous faudra gagner que la recommandation (qui accompagnera la convention), dont le but est précisément d’éclaircir les questions laissées trop vagues, comprenne une liste détaillée des groupes vulnérables.