La définition unique des violences et du harcèlement est maintenue
Toujours est-il que le patronat brille par ses positions sur l’article 1. Cet article définit les violences et le harcèlement comme un continuum. Pour permettre aux gouvernements qui le souhaitent d’adopter, comme en France et en Europe, des définitions précises et distinctes, l’article précise que les Etats peuvent le définir en un seul ou plusieurs concepts. Les opposants à la convention, veulent limiter son application aux violences physiques, et exclure ou minorer le harcèlement sexuel ou moral. Pour mettre tout le monde d’accord, le patronat propose un amendement simple : renvoyer aux Etats le soin de définir la violence et le harcèlement. Bingo ! Ou comment, en un article, faire tomber toute l’utilité de normes internationales ! La Russie est particulièrement friande de ce type de formulation. Sur chaque article, elle a avec son allié du Belarus, déposé des amendements pour soumettre chaque disposition à la législation nationale…Ou comment adopter une vraie fausse norme, qui renvoie tout son contenu au droit national…Avec ça, le dumping social a de l’avenir !
Heureusement, grâce à l’opposition d’une majorité de gouvernements, l’amendement n’est pas adopté !
Les femmes, humains de seconde zone ?
Sur le préambule, la bataille est rude. Il articule la convention avec les textes de référence existant, de façon à ce qu’ils puissent être invoqués en complémentarité. La Russie et le Belarus se distinguent encore par leur attachement aux droits humains : ils veulent supprimer la référence au début du préambule à tous les textes internationaux fondamentaux et biffer notamment : la déclaration universelle des droits de l’homme, le convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, la convention sur la protection des travailleurs migrants, la convention relative aux droits des personnes handicapées…Magique…Ca a le mérite d’être clair, mais heureusement, l’amendement est largement rejeté
C’est ensuite les employeurs qui ont décidemment un problème avec la notion de « droits » et veulent supprimer le droit de toute personne à évoluer dans un monde du travail sans violence ni harcèlement, suivis en cela par la Russie et le Belarus…Là encore, c’est rejeté. Ouf !
Menace plus sérieuse : les Etats Unis, la Grande Bretagne, la Nouvelle Zélande et l’Australie, qui, avec le patronat, proposent de limiter la formulation actuelle du projet de convention, qui prévoit que « la violence et le harcèlement dans le monde du travail constituent une forme de violation des droits humains ». Le groupe Africain s’y rallie, et nous sommes mis en minorité avec pour seul soutien (heureusement !), l’Union Européenne….Le paragraphe prévoit donc désormais que « certaines formes de violence et de harcèlement dans le monde du travail peuvent constituer une forme de violation des droits humains »….Et voilà, une fois encore les femmes sont traitées comme des humains de seconde zone…
Nous gagnons le maintien des violences conjugales dans le champ de la convention !
Menace encore plus sérieuse : les employeurs veulent supprimer la nécessité de reconnaitre et remédier aux effets des violences conjugales sur le monde du travail du préambule. La France nous avait indiqué dans les préparatoires qu’ils avaient mandat pour refuser tout ce qui nécessiterait des évolutions législatives (donc les violences conjugales par exemple) et qu’ils seraient demandeurs de formulations pour atténuer les obligations de la convention. Le Canada, l’Australie, la Nouvelle Zelande, les Philippines, l’Espagne…, nous avons réussi à gagner dans quelques pays des droits pour protéger l’emploi des femmes victimes de violences conjugales, mais ça reste très minoritaire donc nos soutiens sont fragiles. Grâce à notre interpellation de la France, et au fait qu’Emmanuel Macron a été contraint d’intégrer dans ses envolées « crypto marxistes » le soutien sans réserve de la France au projet de convention, la France et donc l’UE, soutient désormais clairement les formulations sur les violences conjugales. Nous réussissons donc à sauvegarder les formulations du préambule, et à garantir que les violences intra familiales rentrent bien dans le champ de la convention ! Reste maintenant à gagner le maintien des dispositions concrètes prévues dans la recommandation (congés payés, droit à la mobilité et aux changements d’horaires, protection contre le licenciement…).
La délicate question des tiers (usagers, client.e.s…)
Durant toutes les discussions, plane le débat sur l’article 4. Il prévoit dans une formule très floue et problématique que « les auteurs et victimes de violence et de harcèlement peuvent être des travailleurs, des employeurs ou leurs représentants et, conformément à la législation et à la pratique nationale, des tiers, dont des clients, des prestataires de service, des usagers, des patients ou des membres du public ». Encore une fois, cet article pouvait servir de point d’appui pour transformer le droit de grève en violence contre les employeurs. Le groupe travailleurs a donc proposé une réécriture sous cette forme « les auteurs de violence et de harcèlement dans le monde du travail peuvent être des tiers, dont des clients, des prestataires de service, des usagers, des patients ou des membres du public ». Cela fait partie du compromis avec les employeurs sur l’article 2 donc ils sont contraints d’accepter. Le Canada, l’Australie, la Nouvelle Zelande et l’UE suivent
Par contre, les africains refusent au motif que les tiers doivent figurer comme auteurs et comme victimes. Le patronat s’engouffre, et exige le retour des employeurs dans l’article 4. Ce qui est une ligne rouge pour nous….Après des heures de débats, et de vaines tentatives pour intégrer les tiers comme auteurs et victimes dans l’article 2 puis le préambule, nous finissons finalement par supprimer purement et simplement l’article 4, nous rajouterons les tiers dans l’article 5 comme auteurs et victimes. Ouf, on retombe sur nos pattes !