Le 6 juin 2023, le Tribunal administratif de Montreuil a rendu deux jugements (pour une seule et même affaire) condamnant le Conseil d’État (CE) du fait du harcèlement sexuel commis par un de ses agents et pour ne pas avoir accordé le bénéfice de la protection fonctionnelle au titre des faits de harcèlement sexuel à l’agente victime de ces agissements.
LA RECONNAISSANCE À L’AGENTE DE SON STATUT DE VICTIME APRÈS PLUS DE 3 ANS DE LUTTE
La parole de la victime a été entendue et écoutée par le tribunal administratif, une parole qui est celle d’une jeune attachée d’administration d’État qui, à peine sortie des IRA en 2016, était victime de violences sexistes et sexuelles sur son lieu d’affectation, à savoir le Conseil d’État.
Suite à son signalement, puis à sa réaffectation en tant que rapporteure à la Cour nationale d’asile et ainsi exposée à des récits de souffrance, au refus de se voir accorder la protection fonctionnelle, à l’absence d’accompagnement social, psychologique et médical, suite également à une enquête administrative bâclée conduisant à un simple « avertissement » à l’attention du harceleur son supérieur hiérarchique, la victime, comme tant d’autres, a sombré physiquement, psychiquement et financièrement, se retrouvant sans ressources. C’est cette agente qui s’est présentée courageusement à la barre pour témoigner devant la formation de jugement et dire à quel point sa vie a été brisée ; sa vie professionnelle mais également personnelle.
Selon le tribunal administratif, « son supérieur hiérarchique, avec lequel elle se trouvait dans l’obligation de travailler au quotidien, a par ses propos ou comportements à connotation sexuelle répétés et non désirés, tenus dans le cadre ou à l’occasion du service, instauré une situation intimidante, hostile ou offensante constitutive d’un harcèlement sexuel … l’administration a commis une erreur d’appréciation en estimant que le comportement global du supérieur hiérarchique de Mme …, décrit au point 15, n’était pas constitutif d’un harcèlement sexuel ».
Cependant, nos syndicats et association déplorent que le tribunal administratif n’ait pas retenu la responsabilité du Conseil d’État pour des manquements fautifs à l’obligation de protection et de sécurité, en s’abstenant de prendre des mesures conservatoires adaptées, d’accompagner la victime et de prononcer une sanction à l’encontre du harceleur (toujours à son poste) qui soit proportionnée à la gravité des faits, alors même que le Conseil d’État se targue de son label égalité-diversité et d’un protocole d’accord sur l’égalité professionnelle femmes/hommes.
Bien qu’inaboutis, ces deux jugements ne mettent pas moins en évidence le manque de discernement du Conseil d’État dans une affaire de harcèlement sexuel, lequel n’a pas hésité par la voix du ministère de la Justice, à user de nombreux mémoires en défense durant la procédure contentieuse en niant l’évidence et s’est obstiné à refuser le bénéfice de la protection fonctionnelle à une victime de harcèlement sexuel alors même qu’elle n’avait commis aucune faute dans l’exercice de ses fonctions.
Ces décisions de justice doivent désormais être respectées dans leur effectivité, mais également conduire à un changement de pratique et de mentalité de la part du Conseil d’État face à des situations de violence sexuelles et sexistes pour qu’elles cessent définitivement.