Retrouvez la chronique de Rachel Silvera sur le Site d’Alternatives économiques ICI.
Le Céreq a publié, le 7 juillet 2023, un nouvel état des lieux de la situation des jeunes de la génération 2017, trois ans après leur entrée sur le marché du travail en 2020. Malheureusement, en comparant avec les jeunes de la génération 2010, le bilan est décourageant sur le plan des inégalités : alors que les jeunes femmes sont toujours plus diplômées que les hommes, elles restent désavantagées sur le marché du travail.
La part des jeunes diplômé.e.s continue sa progression, surtout pour les femmes : au sein de la génération 2017, la moitié d’entre elles et seulement 40 % des hommes sont titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur, contre respectivement 44 % et 35 % pour la génération 2010.
Une large part du problème vient du fait que la ségrégation dans les filières de formation reste intacte : les femmes sont toujours majoritaires dans les filières tertiaires (70 % au niveau CAP-BEP), ultra-majoritaires en santé-social (89 %) et toujours minoritaires dans les filières scientifiques et techniques.
Des conditions d’emploi toujours moins favorables
A niveaux et spécialités de formation identiques, elles ont toujours moins de chances que leurs homologues masculins d’être en emploi trois ans après leur sortie de formation initiale, et toujours moins de chance d’être en emploi stable, en 2013 comme en 2020. Fait inquiétant : après seulement trois ans de vie active, la parentalité a déjà un effet différencié : les jeunes mères ont moins de chances d’être en emploi que les femmes sans enfant, alors que c’est l’inverse pour les hommes.
Du côté du temps de travail, un changement générationnel se confirme : seul un quart des jeunes femmes recourent au temps partiel, contre un tiers de l’ensemble des femmes. Et comme les jeunes hommes y recourent, eux, davantage que la génération précédente, entrée sur le marché du travail en 2010 (+ 4 points), l’écart de sexe se réduit.
Reste que, même après seulement trois ans d’activité, les hommes affichent déjà un avantage salarial de 8 %, tous temps de travail confondus. Cet écart en faveur des hommes a même augmenté de 2 points depuis 2013.
C’est surtout sur les temps pleins que l’écart se creuse : il n’était que de 1 % en 2013, il passe à 7 % en 2020. Certes, l’écart particulièrement faible en 2013 s’explique par les effets de la crise de 2008 qui ont surtout concerné les secteurs industriels, où de fortes modérations salariales ont été appliquées. Autrement dit, s’il y a eu un tassement des écarts de salaire, ce n’est pas par une revalorisation des salaires féminins mais par un tassement de celui des hommes.
Ces effets sont désormais effacés, et les écarts ont repris de plus belle… Ils restent particulièrement élevés parmi les employé.e.s et ouvrier.ère.s non qualifié.e.s : tous temps de travail confondus, l’écart est de 13 %, mais il était de 17 % en 2013 et c’est surtout dû à la baisse du temps partiel (car l’écart pour les salariées à temps plein est de 9 % en 2020 et 7 % pour 2013).
Parois de verre, plafond de verre et plancher collant
En 2020, comme auparavant, les femmes restent concentrées dans un plus petit nombre de professions que les hommes : plus de la moitié d’entre elles sont dans cinq groupes socioprofessionnels du tertiaire alors que les hommes se répartissent dans sept groupes.
Qui plus est, du côté des femmes, aucun de ces cinq groupes n’est classé dans la catégorie cadre, alors que c’est le cas de deux groupes du côté des hommes. Par ailleurs, près d’un tiers des hommes sont ouvriers, contre à peine 7 % des femmes, et plus de 40 % d’entre elles sont employées contre seulement un cinquième des hommes.
Le plafond de verre est également toujours d’actualité, les femmes restant sous-représentées dans les professions les plus rémunératrices et socialement valorisées. Elles sont un peu moins nombreuses que les hommes à accéder à la catégorie cadre et l’écart s’est même légèrement accru entre les deux générations. En outre, lorsqu’elles sont cadres, elles occupent moins souvent des responsabilités hiérarchiques (21 %, contre 28 % pour les hommes).
Le plancher collant est aussi toujours à l’œuvre, puisqu’à qualification identique, les femmes ont plus de risque d’occuper un emploi peu qualifié. Cette situation de déclassement professionnel s’est aggravée depuis 2013. Par exemple, parmi les femmes ouvrières ou employées qualifiées en 2013, 28 % étaient diplômées du supérieur, contre seulement 19 % des hommes ; en 2020, ces proportions sont respectivement de 42 % et 23 %. Parmi les cadres, elles étaient 80 % en 2013 à être diplômées du supérieur long, avec seulement deux points d’écart avec leurs homologues masculins (78 %) ; en 2020, elles sont 89 % contre seulement 84 % d’entre eux – soit un écart qui a plus que doublé.
« Ce panorama des inégalités femmes-hommes confirme que la pénalisation relative des femmes s’amenuise quand la conjoncture se dégrade, mais qu’elle reprend dès lors que celle-ci s’améliore », concluent Vanessa Di Paola et Dominique Epiphane, autrices de la note.
Malgré la poursuite des réussites scolaires des femmes, ces inégalités résistent et s’accentuent même, comme l’avantage financier des hommes ou leur accès privilégié aux emplois de cadres, tandis que les femmes conservent toujours un risque plus élevé d’occuper un poste peu qualifié, et d’être rémunérées en dessous du seuil de pauvreté (soit moins de 1 128 euros, 60 % du salaire médian de 2020). Le seul facteur réduisant en partie ces écarts correspond au léger recul du temps partiel chez les jeunes femmes depuis 2013.